COMMUNAUTE - Nicolas Vernerey, l'art du poulet rôti

Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

Nicolas Vernerey: Je suis arrivé en Roumanie en 2012. Je cherchais à rester en Roumanie, j’ai donc ouvert un restaurant , «Voilà bistrot», sans expérience de la restauration. Je l’ai quitté il y a maintenant trois ans mais il a beaucoup marché, tous les Français connaissaient. J’ai ouvert ensuite «Galli» il y a deux ans car tout le monde me répétait «c’est impossible de trouver du bon poulet». Pendant trois ans et demi j’ai entendu ça, les gens étaient à la recherche de poulets sans hormones. Je suis pas très intelligent mais bon je réfléchis quand même un peu (rire) et un moment j’ai donc compris que je devais ouvrir une rôtisserie avec du poulet de ferme. Il n’y a pas que les Français qui étaient demandeurs, certains Roumains ne mangeaient plus de poulet depuis une vingtaine d’années à défaut d’en trouver du bon. Au début cela a été difficile, c’est nouveau, ça n’existait pas à Bucarest. Quand tu ouvres une rôtisserie, que tu es étranger, les gens pensent tout d’abord que tu as ouvert un kebab alors qu’on est très loin de ça. Nous utilisons des bons produits, du bon matériel, on respecte de nombreuses règles pour que tout soit parfait.

Expliquez-nous un peu pourquoi vous avez choisi la Roumanie ?

J’ai choisi la Roumanie par hasard. Je ne vais pas vous le cacher, j’avais quelques a priori car je ne connaissais pas le pays en dehors de ce qu’en disaient les médias français. Avant d’y aller, tu ne rêves pas particulièrement de ce pays mais quand tu y es, tu rêves d’y rester. Beaucoup de gens ici sont des expatriés que leurs entreprises envoient ici, ils n’ont pas véritablement choisi de venir vivre ici. Ce que j’entends par contre ensuite, c’est qu’une grande majorité d’entre eux sont très surpris et heureux d’y vivre. Il faut découvrir ce pays pour casser les préjugés comme pour beaucoup de pays moins connus ou qui ont une mauvaise presse. Je savais en venant ici que le dépaysement serait total mais pour être franc, je ne m’attendais pas du tout à apprécier. Les Roumains sont extrêmement généreux, garants de nombreuses valeurs et de traditions et moi ça me fait du bien.

Comment jugez-vous la qualité de vie ici ?

Ici à Bucarest, c’est un peu la Dolce Vita, il n’y a pas de stress, chacun va à son propre rythme, mange ou sort quand il en a envie, on est très loin de certaines capitales européennes, où chacun doit se mettre au pas de l’autre. Les impératifs professionnels ne dérangent personne par contre, la vie est plus zen, mais quand tu travailles cela peut agacer parfois (rire). J’ai par exemple rendez-vous avec quelqu’un pour 15h et la personne va venir à 17H. Il faut selon moi un peu plus de rigueur et d’implication dans son travail. On a cherché dernièrement un cuisinier pendant 3 mois, les gens appelaient «oui oui on vient faire l’interview, il n’y a pas de problème» et au final sur 10 interviews prévues, il n'y en a qu’un seul qui est venu. Je n’en fais pas une règle mais cette réalité existe aussi, et à ce niveau là, les choses doivent changer, je ne suis pas le seul à le penser. En France ça, ça n’existe tout simplement pas, ce serait inenvisageable, on a un entretien, on vient, on prend des obligations, on s’y tient. C’est le minimum contractuel. Mais cela ne vient pas gâter mon impression générale du pays car les gens sont si accueillants que je ne mélange pas mes expériences professionnelles et personnelles.

En tant qu’acteur économique, quelles sont selon vous les perspectives économiques du pays ?

Il y en a, malheureusement les décisions qui ont été prises par le gouvernement dernièrement ne vont pas dans ce sens là. On est entrain de dire aux gens qui déjà ne savent pas gérer le peu d’argent qu’ils ont, qu’ils vont devoir ne pas oublier à la fin de l’année de payer leurs impôts. Quand une majorité de gens n’ont pas assez d’argent pour bien se nourrir, évidement si tu leur donnes un peu plus d’argent tous les mois, pour qu’ils puissent payer à la fin de l’année, ils ne vont pas y arriver. Tu as des dépenses supplémentaires pour tes enfants, les fêtes, tu as toujours quelqu’un à aider car il y a beaucoup d’entre-aide ici, ta voisine, ta famille, cela ne manque pas de gens à qui venir en aide et ils n’auront plus rien à donner à la fin de l’année. C’est pas difficile à comprendre. Le Roumain qui a un salaire moyen ne peut pas faire d’économie ou s’il y parvient ce sera au prix de sacrifices conséquents pour lui et pour sa famille. Cela n’est pas normal et le gouvernement le sait très bien mais il va contre l’intérêt de son peuple.

Quelles différences avez-vous remarquées entre les habitudes alimentaires des Roumains et celles des Français ?

Et bien, en Roumanie, chaque année à Noël, je suis invité dans une famille différente, très sympathique, mais chaque année je vais manger exactement la même chose car on ne doit pas transiger avec les traditions. En France tout le monde ne mange pas la même chose, les recettes varient en fonction de chacun, il n’y a pas vraiment un plat typique adapté à chacune des fêtes. On peut manger du pigeon, de la dinde, du gigot d’agneau, des cailles, du coquelet, du boeuf, du rhinocéros, de tout ce que tu veux en faite (rire). En France les traditions ont évolué en fonction des habitudes alimentaires des Français. Il faut dire qu’ici, au Mega Image ou dans d’autres supermarchés du centre, il y a très peu de variétés proposées, il faut aller les chercher ailleurs, sur les marchés et tout le monde n’a pas le temps ou le réflexe de le faire. Une autre différence maintenant que j’y pense, c’est la culture des repas en famille, ici les gens mangent quand ils le désirent et pas forcément au même moment, tu te mets pas toujours à table avec tes parents ou tes enfants à heure fixe pour manger tous ensemble alors que chez nous, cela fait partie de nos rituels au quotidien. Cela joue beaucoup dans le temps consacré chez les Français à préparer des plats, quand on cuisine pour soi on est souvent moins regardant sur la qualité.

Trouvez-vous que les consommateurs sont de plus en plus conscients quant à la qualité des produits qu'ils consomment ?

Grâce à certaines émissions consacrées à la gastronomie, les gens prennent peu à peu conscience qu’il est important de bien choisir ses produits, de prendre le temps pour cuisiner et manger sainement en réadaptant certaines recettes pour les rendre moins lourdes et les associer parfois avec d’autres produits de bien meilleures qualité.  Je crois que la nouveauté est synonyme aussi d’ouverture, de découverte, pourquoi se limiter alors que l’on a vraiment tout à gagner à changer ses habitudes de temps en temps.  Les gens cherchent à savoir d’où vient la viande qu’ils mettent dans leur assiette, qu’est-ce que les animaux ont mangé, quel vaccin leur a été fait etc... et ça c’est une vraie évolution selon moi. Il faut l’encourager et pas faire le contraire. Ma rôtisserie fonctionne pour cela car on est les premiers à te garantir que tu manges de la nourriture sans hormone. On a des gens de tous les âges qui savent apprécier cela comme quoi ce n’est pas une question de génération mais de responsabilisation, de culture gastronomique. Chaque moment de la journée où l’on se retrouve autour d’une table est précieux car cela nous permet de rétablir la communication entre les gens. Il faut prendre le temps c’est indispensable au mieux vivre ensemble.

Comment peut-on reconnaître qu'un poulet a été élevé en plein air et non pas en batterie ?

Nous proposons de la viande organique, élevée un minimum de 70 jours à l’air libre, avec des céréales, sans hormones donc, avec une vérification de notre part lorsque nous demandons à nos fournisseurs des certificats en règle attestés par l’Union européenne. Dernièrement pour un reportage, j’ai apporté ma modeste contribution pour essayer de démontrer la différence entre un poulet élevé à l’air libre et celui enfermé. Et bien le résultat était plutôt concluant, sa morphologie en était vraiment transformée. Le premier avait des jambes plus dessinées, plus fines, et beaucoup plus longue car il s’est déplacé, l’autre est plus gros avec des jambes plus courtes car il a été enfermé. Sans parler de l’odeur, l’un a une vraie odeur de poulet quand tu le fais cuir, l’autre une odeur de médicament. Quand tu mâches un bon poulet tu dois utiliser tes dents, pour l’autre, tu le laisses sur ta langue et il va fondre tout seul. C’est moins cher c’est certain mais manger de la merde ça touche ta santé, et ça l’argent ne le remplacera jamais. Quand tu vas avoir toutes les maladies qui vont avec, tu te diras peut-être que tu aurais dû mettre quelques Ron supplémentaires. Et surtout ici où le système de santé est complètement archaique, comment s’en sortir, non il faut réagir et je le dis car j’aime ce pays. Je ne suis plus un voyageur de passage, je veux vivre ici et donc je m’implique beaucoup plus. Une campagne d’information serait indispensable pour faire évoluer les mentalités !

Article publié par Lepetitjournal.com